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“cf l’analyse de l’économiste Schumpeter sur la destruction créatrice et l’innovation ). Il importe d’avoir une protection flexible qui se reporte graduellement sur les produits à haute valeur ajoutée complémentaire des politiques de soutien de l’agriculture et d’indépe…”
— Par Jean-Marie Nol —
Réduction de la dépense publique, Inflation, récession, bulle immobilière, avec risque d’éclatement en 2023, accélération de la hausse des taux d’intérêt, tous ces facteurs représentent un tournant inédit qui va peut-être bouleverser l’équation économique et très certainement sociétale de la Guadeloupe.. Cette nouvelle donne est d’importance dans un proche avenir de crise budgétaire de l’État français.
En conséquence, c’est un plan de bataille qu’il s’agit désormais de concevoir, mais pas seulement sur le plan du changement des institutions, qui peut si l’on n’y prête pas une vigilance accrue, (notamment depuis l’appel de Fort de France), s’avérer être un terrible leurre pour les Guadeloupéens et surtout Martiniquais. ( Nous y reviendrons en temps voulu).
Dans cette optique de prudence, il faut nécessairement comprendre que les grandes crises économiques et financières sont des moments de ruptures non seulement des trajectoires des sociétés post coloniales, mais aussi des paradigmes qui les fondent ou les reflètent. Il en sera ainsi, demain, avec la fin programmée par l’histoire des faits économiques, du discours dominant, même si jusqu’à présent encore pertinent de notre dépendance de nature capitaliste et coloniale et son impact nocif sur la viabilité d’un modèle endogène phantasmé de développement.( Cf la problématique indépassable coût de production/ salaires ).
Certes, la Guadeloupe a une histoire. Mais nous devons travailler à changer cette perception qui est souvent biaisée par certains historiens pour des raisons purement d’ordres idéologiques. Aujourd’hui, à mon avis, la connaissance et la vulgarisation scientifique des faits économiques doivent supplanter l’hégémonie de la pensée induite par les historiens et les tenants d’un nationalisme étriqué. Actuellement, l’ouverture commerciale, l’internationalisation de la production, l’instantanéité de l’information, la révolution technologique en passe de changer la face du monde, ( numérique, bioéthique, robotisation, intelligence artificielle ) et la globalisation financière ont modifié la donne mondiale, et donc de ce fait, les anciens paradigmes idéologiques, politiques et économiques, sur lesquels s’appuient aujourd’hui nos responsables politiques pour promouvoir un changement des institutions, sont devenus complètement obsolètes.
Les politiques de dépenses publiques et de déficit ont hier bien entendu, dans l’ensemble, permis une certaine croissance qui a vu l’émergence d’une importante classe moyenne en Guadeloupe. Et en cela, en dépit de la crise, on n’observe pas encore de changement significatif dans un accroissement de la très grande pauvreté en raison de l’importance des transferts publics. Mais attention, les choses dans ce domaine devraient évoluer dans la décennie actuelle..
La crise sanitaire et inflationniste a relégitimé le rôle de l’État en Guadeloupe, par le biais des plans d’aide et de soutien à l’économie, même si cela s’est opéré avec une relance par les déficits publics et des injections de liquidité dans l’économie ( le quoiqu’il en coûte ). On a ainsi mis entre parenthèses l’orthodoxie financière. Pourtant demain, l’on ne pourra plus faire preuve de cécité coupable sur la problématique des déficits budgétaires, de la dette et surtout sur celle du changement climatique Dans ce nouveau cas de figure, le développement durable ne pourra pas être promu sans des mesures énergiques pour la résilience climatique. Mais nous ne pouvons rien faire dans ce domaine et d’ailleurs aussi dans d’autres, sans financements de l’État français. Et ce d’autant que dans un contexte de crise et d’endettement devenu permanent, à partir des années 1970/80, les analyses et prévisions budgétaires des collectivités locales d’outre – mer, en termes réels sont remises en question. De même, dans un même ordre d’idée, l’on constate l’échec du développement auto- centré dans certains pays émergents, notamment d’Afrique, ou l’utopie, du nouvel ordre économique international avec la démondialisation en cours qui s’est accélérée avec la guerre en Ukraine, et la crise énergétique qui s’en est suivie et qui rebat toutes les cartes. La montée des instabilités, l’autonomisation de la sphère financière ou la gestion de la dette conduisent alors les pays du globe à privilégier les équilibres macro-financiers et les ajustements financiers du court terme aux dépens des projets de développement de longue période. Donc forcément, la Guadeloupe va bien devoir, quoiqu’il arrive, repenser en profondeur son modèle actuel de société hérité de la départementalisation.
En effet, la crise inflationniste actuelle traduit les ruptures d’un mode de développement des pays industriels et les impasses des modèles mimétiques des pays émergents. La planète est finie, ses ressources sont rares et les technologies Les économisant ne sont pas à la hauteur des enjeux. Le modèle de développement des pays industriels et émergents n’est ni supportable ni généralisable.
Un modèle alternatif de croissance verte et bleue à partir de la valorisation du capital naturel, de la prise en compte de l’empreinte écologique, des technologies vertes et énergies renouvelables, des ressources minières tirées de la mer sera inévitablement proposé par l’État aux collectivités locales et citoyens lambdas guadeloupéens, dans la décennie à venir. Ce modèle alternatif de développement basé sur l’économie verte et surtout bleue est une chance inouïe pour la Guadeloupe.
Pourquoi ? Tout simplement parce que la Guadeloupe possède des ressources minières insoupçonnées telles que Thallium, cobalt, manganèse, nickel, or, qui se trouvent dans les nodules polymétalliques au large de l’île de la Désirade dont les caractéristiques géologiques en font l’île la plus ancienne géologiquement de la région de la caraïbe …et donc on peut y trouver aussi du gaz naturel, voire des sulfures hydrothermaux. Les fonds marins regorgent de minerais. Alors que les gisements terrestres s’épuisent, États et industriels s’intéressent de très près aux ressources océaniques. Dans ce concert, la Guadeloupe sera probablement très convoitée, car potentiellement l’île possédant un sous sol marin le plus riche de toute la caraïbe.
Souvenons-nous qu’en février 1968, Le Monde diplomatique titrait « les richesses du XXIe siècle sont à prendre au fond des mers » et s’intéressait à l’exploitation minière en mer. Cinquante ans plus tard, force est de constater que le journal a sans doute vu juste : le XXIe siècle est en passe de voir se concrétiser des « mines sous-marines ».
Épuisement des gisements terrestres, demande en métaux accrue… le constat des années 1960 est toujours d’actualité. Et avec la raréfaction des ressources fossiles apparaissent des tensions relatives à leur approvisionnement mais également au niveau de leur impact carbone. Alors, industriels et États regardent vers des espaces encore vierges d’exploitation minière : les fonds marins.
Des gisements métalliques se trouvent dans tous les océans, à des profondeurs allant de quelques centaines à plusieurs milliers de mètres. Des minéralisations profondes, telles que les nodules polymétalliques, les encroûtements ou les sulfures hydrothermaux, contiennent des métaux recherchés à la surface : cobalt, fer, manganèse, platine, nickel, or, argent, cuivre, terres rares…
Leurs concentrations y sont souvent bien plus élevées que dans les gisements terrestres. Les ressources s’avèrent immenses. Et à l’attention des âmes incrédules, je n’invente rien, car c’est le président Macron lui même qui a annoncé que l’exploration des grands fonds a ouvert de nouvelles perspectives pour la France en matière de disponibilité de ressources minérales dans les régions de l’outre-mer. Dans quelques dizaines d’années, les fonds océaniques pourraient fournir un complément important aux ressources terrestres. D’autant que les dépôts océaniques présentent deux particularités intéressantes :
– ils sont riches en métaux « nobles »
– ils se situent sur le plancher océanique (donc pas d’importants volumes de roches stériles à déplacer, pas de galeries à creuser)
Qu’a-t-on trouvé potentiellement jusqu’ici en Guadeloupe ? :
Essentiellement des nodules polymétalliques et des sulfures hydrothermaux.
Mais on y trouve aussi dans le reste de l’outre-mer :
– des encroûtements cobaltiféres : sur terre, le cobalt est un sous-produit d’autres exploitations ; au contraire, en mer, on trouve un véritable minerai de cobalt (avec un sous-produit non négligeable, le platine) ; les gisements connus les plus riches sont dans la zone économique exclusive de la Polynésie Française.
Notons qu’au delà de 2000 mètres de profondeur sous la mer, les principales ressources minérales potentielles sont les 3 premières citées (les nodules, les sulfures hydrothermaux et les encroûtements cobaltifères).
C’est là dans ce nouveau contexte que les argumentaires de la croissance tirée par les exportations et non plus sur la consommation, reposent soit sur des arguments tangibles de développement exogènes, soit sur des politiques volontaristes agroalimentaire et industrielles et de construction des avantages comparatifs. Le marché local est trop étroit pour permettre des économies d’échelle et des jeux de concurrence, et ce quelque soit le statut en question (( cf l’analyse de l’économiste Schumpeter sur la destruction créatrice et l’innovation ). Il importe d’avoir une protection flexible qui se reporte graduellement sur les produits à haute valeur ajoutée complémentaire des politiques de soutien de l’agriculture et d’indépendance alimentaire par le biais des subventions européennes. Par ailleurs, il faut savoir que notre analyse totalement novatrice du développement exogène économique de la Guadeloupe repose sur la théorie développée par David Ricardo, l’un des plus grands économistes du vingtième siècle, à savoir » la spécialisation liée aux avantages comparatifs ». Ricardo a en effet mis en évidence la théorie des avantages comparatifs qui corrige celle des avantages absolus du non plus grand économiste Adam Smith. Celle-ci disait qu’un pays profite du libre-échange s’il se spécialise dans la production des biens pour lesquels il a un avantage absolu. Selon la théorie des avantages comparatifs, peu importe si un pays a des avantages absolus ou pas : il gagne à se spécialiser dans la production des biens pour lesquels son avantage comparatif est le plus élevé, c’est-à-dire dont les coûts de production relatifs sont les plus bas, et à échanger les biens qu’il ne produit pas. C’est donc un argument pour le développement exogène de la Guadeloupe qui devrait selon notre hypothèse de travail importer tous les produits agricoles primaires dans la caraïbe et en Amérique du Sud, pour opérer une transformation industrielle sur place, et enfin laisser entrevoir la création d’une filière agroalimentaire d’avenir : mais pour ce faire, celà passera, qu’on le veuille ou non, par la suppression pure et simple de la vieille taxe coloniale de l’octroi de mer. En outre la Guadeloupe peut gagner du libre-échange si elle se spécialise dans l’utilisation efficiente des ressources minières de la mer dans un marché élargi, avec l’accès aux facteurs et aux marchandises rares ou indisponibles.
Cela contribuera à booster les effets de concurrence et de réduction des rentes, l’attractivité des capitaux et des firmes nationales et multinationales.
En somme un immense défi qui reste à relever pour les décideurs politiques et économiques de la Guadeloupe. Et pour terminer, j’ajouterais que le côté obscur du peuple n’est pas une fatalité ! Aussi j’oserai conclure sur une préconisation à destination du peuple guadeloupéen à qui je conseillerais vivement par ces temps troublés, de s’inscrire délibérément dans une vision renouvellée de la culture créole, et se projeter dans une approche méthodologique visionnaire de rupture cathartique de la réflexion couplée à l’anticipation.
» Mieux vaut une vérité qui fait mal, qu’un mensonge qui réjouit. » Proverbe oriental
Jean Marie Nol économiste