Le drame qui se déroule dans la France d’outremer, pour ma part en Martinique, autour de la pandémie du covid 19, n’est pas sans rappeler les drames familiaux. Tout y est : attachement et rejet, volonté d’imposer la ‘ droite ligne ‘ et révolte, dialogues de sourds et propos irrationnels.
Comme dans les drames familiaux et même personnels, il faut sûrement dans les drames collectifs que ceux qui ont la main, malgré leurs convictions ‘ généreuses ‘, acceptent de lâcher prise. Au cours de cette crise sanitaire, une majorité de la population martiniquaise mais aussi des autres outremers démontre par ses propos et ses choix une défiance vis avis de l’Etat Français, dont elle fait pourtant encore partie. Il faudrait peut être que l’Etat lâche prise et laisse nos responsables locaux au devant des évènements afin d’y prendre part, d’assumer leur rôle et même le remplir au-delà. Qu’en cette occasion, il leur donne la possibilité « d’avoir part à notre souveraineté thérapeutique « ( cf article paru dans le Monde du 11 Août « Les Antillais ne veulent pas suivre des politiques imposées » )
Au cours de la crise de Février 2009 en Martinique, il y a eu une collaboration étroite du Président de la Région et du Préfet que nous avons vu régulièrement intervenir ensemble dans les médias pour témoigner de la complémentarité de leur action, nous aurions dû voir de même au cours de ces derniers mois.
Cette façon de gérer la crise paraissait s’imposer dès qu’on s’est rendu compte du rejet de la solution vaccinale comme du confinement et qu’on en a perçu les raisons dans l’adhésion à une information négative, viciée, au caractère aléatoire.
Le Carnaval 2021 a été le révélateur bruyant d’une cassure entre la métropole et la population locale. Dès cet instant, la classe politique aurait dû se positionner pour ne plus laisser l’Etat travailler seul sur le sujet. Mais, dans les mois qui ont suivi, la Martinique a choisi de rejouer la partition : « Saint-Pierre 1902 «
Il a fallu attendre la semaine qui vient de passer pour entendre des politiciens et journaliste/artiste prendre position, certains avec mollesse souvent sans prononcer le mot : vaccin, alors qu’à l’hôpital on suffoque. Pendant des mois nous avons surtout entendu des scientifiques ou des membres de l’administration, souvent européens, ‘nous expliquer pour notre bien’. Il aurait mieux valu que des représentants de notre société martiniquaise : les politiques, les membres de la société civile, les artistes (durement frappés par les effets de la pandémie sur leur activité) et même les religieux se mettent en avant. Aptes à mieux comprendre nos spécificités, notre histoire, notre culture, ils se devaient, à la suite de ce rejet inquiétant exprimé avec agressivité au cours du Carnaval, de s’engager et étudier avec les spécialistes les rouages de ce fléau et les moyens de lutte contre sa propagation pour revenir vers nous et partager ce qu’ils en comprenaient et leurs conclusions.
Au lieu de cela, tout ce monde a laissé le gouvernement français seul à se débrouiller avec son préfet, représentant de l’Etat toujours honni depuis des décennies. Du coup le danger ainsi expliqué et malgré la pertinence des arguments, la population locale a fermé les yeux y compris aux rapports qui montraient le bien fondé des campagnes de vaccination touchant un nombre de plus en plus grand d’individus sur la planète. Elle a tenu une escalade de propos exprimant le rejet sans jamais que ses leaders fassent des propositions constructives et ayant fait leur preuve (???), sans chercher au cours des mois qui sont passé depuis le Carnaval 2021 à mettre en place quoi que ce soit.
Les médias ce sont malheureusement fait l’écho des contestataires, de ceux qui tapaient du pied. Ce n’est que récemment que nous avons pu enfin voir ces malades du covid, les entendre, et encore avec parcimonie. Pendant tous ces mois au fur et à mesure que le rejet et la colère grondaient, ceux chargés de l’information ont manqué de nous montrer l’autre face du covid, celle des soignants dans leur quotidien depuis plus d’un an, celle des malades et de leurs proches pendant leur traitement, à leur sortie, ce qu’était leur vie quand ils ont été frappés… Où sont les enquêtes recueillant les témoignages de ceux qui ont perdu un être cher ? Pourquoi n’avoir pas mis autant d’insistance à nous les diffuser ? Il est certain que les victimes directes ou collatérales de la pandémie, les victimes économiques étaient dans un autre état d’esprit que ceux qui se chargent de mettre sans relâche des posts sur les réseaux sociaux, manipulateurs cyniques faisant leur lit dans un milieu culturel plus ouvert aux on-dit, à la rumeur, qu’à une attitude de réflexion sur des faits avérés. Même si sur ces mêmes réseaux la raison s’est exprimée, il lui a été difficile de se faire entendre dans cette folie collective.
A bien considérer, il n’y a que l’Etat qui a fait son devoir malgré la pression des rebelles, sans encouragement de la population locale, il s’est accroché à maintenir le cap. A défaut de nous empêcher de nous enfoncer dans le bourbier où nous nous sommes mis, il nous aidera à nous en sortir.
Ceci ne m’empêche pas de m’interroger : l’Etat Français dans sa tradition jacobine renforcée par un président très conscient du statut que lui donne la Ve République n’a-t-il pas manqué une opportunité vis-à-vis de la population et des régions de l’Hexagone et surtout de la population ultramarine ? Opportunité de nous permettre de démontrer notre engagement, nos talents, notre habilité à nous en sortir en collaboration avec le pouvoir central…