8 Mai 1902

— Patrick Mathelié-Guinlet —

Tout à coup la montagne sort de sa torpeur.
De se réveiller, n’est-ce pas l’heure ?
En ce petit matin de Mai et sa pâleur,
d’abord un frémissement qui engendre
la peur
puis de murmures en grondements
de tonnerre,
sa rumeur s’enfle alors sous la terre.
À son flanc saigne une blessure
dont le sang coule à gros bouillons et puis soudain, c’est l’explosion :
les volutes d’une fumée grise,
épaisse, mortelle, quasi-solide
et pleine de roche en fusion,
montent au ciel et puis détruisent
toute vie endormie dans Saint-Pierre
brutalement ensevelie
sous une pluie de cendre amère.
Pas même le temps d’une prière
que déjà tout est fini.
Sur la mer retombe un silence de pierre,
de tombeau que nul chant d’oiseau ne vient
briser.
Sarcophage de lave au couvercle scellé
comme une chape de plomb sur la ville
momifiée et tous ses habitants dont le dernier
sommeil
ne verra plus jamais se lever le soleil
sur l’horizon tranquille et calme de la baie.
L’espoir a fondu comme le fer
des barreaux du cachot Cyparis.
Que dire alors de l’ironie
qui fit que seule fut épargnée la vie
du plus humble des bandits ?
La montagne sait ce qu’elle maudit !…
Aussi, je vous en supplie, mes amis :
gardons-nous de faire à sa face trop grand bruit de peur d’éveiller sa plus mauvaise humeur,
que résonnent encore une fois les cris,
les pleurs
si désolés, versés en vain sur ceux
qui meurent victimes d’un destin aveugle et sans pitié !