— Par Roger de Jaham —
Le Traité de Rome signé le 25 mars 1957 par six pays (l’Allemagne, la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas) a jeté les bases de l’Union Européenne (UE), qui aujourd’hui regroupe 28 nations* et compte pas moins de 510 millions d’habitants, constituant ainsi le premier marché économique mondial.
Au-delà des chiffres, ce projet -unique dans l’histoire de l’humanité- a surtout garanti la paix à des millions de femmes et d’hommes pendant plus de 60 ans, une première dans l’histoire européenne. Il a aussi apporté la liberté à des millions d’Européens des pays de l’est, qui ont durement souffert sous les dictatures communistes. C’étaient là les objectifs premiers du Traité de Rome, qui évoquait uniquement « les sauvegardes de la paix et de la liberté » par une coopération économique élargie.
C’est dans l’Acte unique (1986) que les États-membres se sont déclarés « décidés à promouvoir ensemble la démocratie en se fondant sur les droits fondamentaux ».
Enfin le traité de Lisbonne (2007) a précisé les valeurs de l’Union européenne, à savoir « le respect de la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’état de droit, le respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités ». Elles sont dites communes aux États-membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes.
Tous les jours, en tant qu’Européens nous mesurons et apprécions ces principes fondamentaux qui font la noblesse de la démarche européenne.
L’Europe, c’est aussi un système fondé sur le partage. C’est ainsi que l’un des objectifs de l’Union européenne est d’assurer et d’harmoniser le développement économique et le progrès social sur tout son territoire. Des politiques d’accompagnement ont été progressivement mises en place pour permettre aux régions défavorisées de bénéficier d’aides financières et de tirer un profit maximal de leur insertion dans le vaste espace économique européen en expansion. C’est d’ailleurs en fonction de ce principe que les régions européennes les plus riches ne peuvent pas obtenir de l’Europe autant de fonds qu’elles y injectent, et à cet égard la position britannique d’exiger « bring my money back » traduit une forme d’égoïsme isolationniste des plus inquiétants.
Nous concernant, il y a mieux : l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’UE reconnait nos spécificités et autorise l’adoption de mesures spécifiques adaptées aux réalités de nos régions dites ultrapériphériques (RUP), en tenant compte de leurs caractéristiques et contraintes particulières : l’éloignement, l’insularité et les retards structurels. Ces dispositifs financiers déterminants ont été instaurés afin de soutenir le développement des RUP, qui sont aujourd’hui au nombre de neuf : la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, la Réunion, Mayotte et Saint-Martin, les Açores et Madère (Portugal) et les îles Canaries (Espagne).
Tous les jours, en tant qu’Européens nous mesurons et apprécions ces mécanismes importants qui contribuent à l’élévation de notre niveau de vie et à l’amélioration de nos équipements : ainsi, par exemple à la Martinique, aucun investissement significatif ne peut se faire sans l’intervention de fonds européens, que ce soit en matière de formation, de transports, de culture, de communications, d’agriculture, de social, de pêche.
C’est d’ailleurs dans ce contexte que la Commission européenne accueillera les 30 et 31 mars prochains le 4ème forum des régions ultrapériphériques à Bruxelles. Le thème cette année : « Les RUP, terre d’Europe dans le monde : vers une stratégie renouvelée ». Conscients de l’enjeu fondamental de ce forum, tous les présidents de RUP –y compris la CTM- se presseront cette fin de mois à Bruxelles, attentifs à ce que nos droits soient respectés.
Pourtant, il y a quelques années, certains n’hésitaient pas à clamer « voici le loup », convaincus que nous serions la proie de prédateurs après notre intégration à l’Union européenne ! Courte vue, ou manque d’information ? Un peu des deux, sans doute, avec un brin de mauvaise foi…
Cette mauvaise foi qui a certainement prévalu au fait que le 60ième anniversaire de la signature du fameux Traité de Rome, acte fondateur entre tous, n’ait pas été célébré avec faste et solennité, en tout cas chez nous, ni par les élus, ni par l’État. Nou ront sa ?
Il faut cependant bien admettre que le projet européen semble être aujourd’hui au milieu du gué. Les Européens que nous sommes méritent certainement mieux qu’un paquet de normes rigides et illisibles, imposées par des armées de fonctionnaires pointilleux avec l’aval indolent de dirigeants politiques désabusés. Bruxelles n’est certainement pas le bouc émissaire de tous nos maux : les responsables en sont évidemment nos dirigeants politiques locaux comme nationaux, qui ont trouvé dans l’immobilité le moyen de ne pas tomber, bloqués qu’ils sont aussi bien par le clivage gauche-droite que par le politiquement correct qui incite à la lâcheté.
Redonnons du sens à l’Europe, cette grande idée qui nous a tant apporté, imaginée par des hommes alors porteurs d’un projet de paix, d’une vision de développement qui les a dépassés, hormis sur le plan de la grandeur d’âme.
*avant le Brexit
Roger de JAHAM,
29-03-2017