—-Par Guy Gabriel —
Réalisé par Lisa Azuelo ; avec Sveva Alviti, Jean-Paul Rouve, Ricardo Scarmacio, Nicolas Duvauchelle.
De sa naissance a Caire en 1933 à son premier Olympia en 1956, de son mariage avec Lucien Morisse, aux soirées disco, de son voyage initiatique en Inde, au succès mondial de Gigi l’amoroso en 1974, on suit le parcours chaotique de Yolanda Gigliotti, alias Dalida (référence évidente au personnage biblique Dalila)
On est toujours un peu inquiet à l’annonce d’un biopic ; reconnaitra-t’ on l’intéressé ? son image ne sera-t-elle pas dénaturée ? Rien de tout cela avec le dernier film de Lisa Azuelo (LOL), car la réalisatrice adopte une mise en forme du sujet rien moins que linéaire ; en effet, si on suit l’évolution de la chanteuse de sa naissance au Caire à sa mort c’est par le biais d’une mise en image qui tente, et y réussit le plus souvent des rapports que ses chansons entretiennent avec sa propre vie.
Du coup on se trouve en face d’une véritable héroïne tragique au sens de la tragédie grecque ; toute sa vie défile devant nous comme un écartement permanent entre sa vie personnelle et sa vie professionnelle. Aussi, on peut comprendre son goût pour le philosophe Heidegger(celui de L’être et le temps) , celui qu’on peut considérer comme le fondateur du courant existentialiste (magnifié par Sartre), Heidegger qui s’est intéressé à la notion d’être comme une entité double ; l’existant et l’être, ce qui évolue et ce qui est en tant que tel (simplement une présence). Tout le parcours de Dalida est saisi dans le film comme un éternel écartèlement entre l’image que l’on a d’elle et ce qu’elle voudrait être; Heidegger, lui-même être double qui n’a jamais reconnu son alter-ego, élève et maîtresse Hannah Arendt, comme une vraie philosophe, parce que femme.
On découvre une Dalida flamboyante sur scène et laminée par la vie dans la réalité quotidienne ce qu’elle traduit en disant « toute les femmes veulent être Dalida, alors que Dalida veut juste être une femme ».
Ballotée par la vie, passant d’amours tumultueuses à drames intimes, cernée par la mort, naviguant entre rencontres passions et drames, bien entendu. Cette histoire est celle de la solitude et la désespérance dans laquelle Lisa Azuelo nous entraine souvent avec brio, notamment par détour des inoubliables chansons de la star, chansons qui collent à son parcours et, surtout par lesquelles passent l’émotion.
Sans être un chef-d’œuvre, Dalida reste un film attachant, même si on peut regretter que la réalisatrice appuie, parfois, un peu trop sur le côté explicatif de son propos. Sveva Alviti est Dalida, à la fois par l’évidente ressemblance mais aussi souvent par les postures de la star…triste ;
Les seconds rôles ne sont pas en reste et on croit en Patrick Timsit dans celui de Bruno Coquatrix (le légendaire patron de L’Olympia), en Vincent Perez dans celui d’Eddy Barclay(producteur), Jean-Paul Rouve dans celui de Lucien Morisse patron de la jeune radio Europe 1, entre autres.
Un biopic tout, sauf désincarné, sur un personnage pas banal.
Guy Gabriel