Coup de théâtre manqué à Beyrouth

— Par Selim Lander —

Un « Quatrième Mur » bondissant

Le Quatrième mur est un roman de Sorj Chalendon, un roman plutôt bien ficelé (prix Goncourt des lycéens en 2013) qui raconte une tentative de monter l’Antigone d’Anouilh au Liban avec une distribution multiconfessionnelle. L’action se passe à un moment crucial de l’histoire du pays, celui des massacres dans les camps palestiniens de Sabra et Chatila (16-18 septembre 1982) effectués par les phalangistes avec la complicité de l’armée israélienne. Si le roman est un plaidoyer en faveur de la tolérance mutuelle, il se conclue sur l’impossibilité de la paix. Il montre en effet comment chacune des différentes communautés cultive des haines recuites à l’égard de toutes les autres depuis des décennies et combien sont fragiles les trêves qui peuvent survenir dans des contextes précis.

Par rapport au roman, la pièce accorde une part sans doute excessive (un tiers du temps) au prologue au cours duquel Samuel, le metteur en scène juif grec qui fut l’initiateur du projet de l’Antigone libanaise passe le relais à Georges, un collègue français. Ces passages qui confrontent deux amis dont l’aîné est mourant, particulièrement émouvants dans le roman, ont du mal, ici, à convaincre. Par contre, la pièce ménage d’autres moments forts, en particulier lorsque Georges rencontre un chef phalangiste ou lors de l’unique répétition de la pièce, quand la comédienne chargée du rôle titre se dresse comme une moderne Antigone passionnément attachée à la cause palestinienne.

Lucas Franceschi (MES) a intitulé cette pièce Les Irrévérencieux, volet 2 – Le Quatrième Mur en référence à la pièce déjà montrée en Martinique il y a exactement un an. On peut s’étonner a priori qu’un sujet aussi grave que celui du Quatrième Mur soit accolé au mot « irrévérencieux ». En réalité, si « irrévérence » il y a, elle n’est jamais « irrespectueuse ». Le mot « fantaisie » correspondrait sans doute davantage. Car le texte est accompagné par de la musique (souvent chantée a capella et en sourdine pendant qu’un comédien continue à parler), un peu de danse, des changements de décors et de costumes incessants facilités par la simplicité des uns (quelques cubes et plateaux) et des autres (un simple accessoire (chemise, turban, etc. suffisant pour évoquer un autre personnage).

La référence à la Commedia dell’arte, qui est la marque de la compagnie Les Asphodèles, est moins présente ici néanmoins que dans la pièce précédente baptisée simplement Les Irrévérencieux.[i]

En tournée au Théâtre municipal de Fort-de-France du 16 au 18 janvier 2016

[i] Cf. Selim Lander, http://www.madinin-art.net/les-irreverencieux-2/