Pour sa 37e édition, ce festival dédié aux films d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine a célèbré le cinquantième anniversaire de la conférence tri-continentale de janvier 1976. L’occasion de revenir, avec son fils, sur l’histoire de son principal initiateur Mehdi Ben Barka et de tenter de comprendre comment le cinéma peut à la fois dénoncer les rapports de domination et avoir un rôle émancipateur.
Dans cette émission de radio réalisée en public au café La perle de Nantes, il est aussi question de liberté d’expression avec Malek Bensmail dont le film Contre pouvoirs nous plonge dans la rédaction du quotidien algérien El Wattan et du regard sur son pays du réalisateur indien Kumar Shahani.
Nantes, envoyée spéciale. » Voilà presque cinquante ans que, dans le noir, le peuple des salles obscures brûle de l’imaginaire pour réchauffer du réel », selon les mots de Jean Godard. Et le cinéma était aussi une porte d’entrée, un moyen d’apprehension du réel et des enjeux qui traversent le monde. Fictions ou documentaires, le temps de réalisation des films les éloignent de l’immédiateté des évènements. Un recul plus que jamais nécessaire pour, au delà de l’affect et de l’émotion, donner à penser à partir d’un regard calme. L’émission de radio enregistrée en public au haut lieu de culture et de convivialité vraies qu’est le café La perle, rue du Port au vin à Nantes vous propose une ballade de la Havane à l’Inde en passant par l’Algérie. Un pont sonore entre 3 continents !
L’émission
Partie I : Il y a cinquante ans à la havane, la conférence tricontinentale : comment le cinéma s’empare des relations Nord/Sud, comme il constitue un moyen d’émancipation, de conscientisation….
Avec ( par ordre d’intervention dans l’émission):
Jérôme Baron, programmateur au festival des 3 continents
Bachir Ben Barka est maître de conférence à l’IUT de Belfort-Montbéliard. Il est le fils de Mehdi Ben Barka et œuvre sans relache pour chercher la vérité sur la fin tragique de son père. Bachir Ben Barka est président de l’Institut Mehdi Ben Barka. Domicilée en France, la famille Ben Barka, n’a été autorisée à rentrer au Maroc qu’après la mort de Hassan II (1999).
Olivier Hadouchi
Historien du cinéma et programmateur de films, il a soutenu une thèse de doctorat en cinéma (« Le cinéma dans les luttes de libération : genèses, initiatives pratiques et inventions formelles autour de la Tricontinentale (1966-1975) » en 2012, à l’Université de Paris 3. Chargé de programmation pour le Panorama des Cinémas du Maghreb et du Moyen Orient.
Il est contributeur de l’ouvrage collectif « Algériens en France 1954-1962/ La guerre, l’exil, la vie » coordonné par Benjamin Stora et Linda Amiri, paru chez Autrement en 2012.
Guy Autret, écrivain, propose une chonique inédite et savoureuse…
Les films évoqués :
Ben Barka : L’équation marocaine, le film de Simone Bitton nous permet de découvrir ce que fût la vie de cet homme et de ceux qui, compagnons de route ou ennemis politiques, ont croisé son destin. Mehdi Ben Barka est né en janvier 1920 à Rabat, Maroc et a disparu le 29 octobre 1965 à Fontenay-le-Vicomte. Homme politique marocain il fut l’un des principaux opposants socialistes au roi Hassan II et le chef de file du mouvement tiers-mondiste et panafricaniste.
On ne saura jamais ce que serait devenu le Maroc -et même le Tiers Monde- si Mehdi Ben Barka n’avait mystérieusement disparu un après midi d’octobre 1965 sur un trottoir de Saint-Germain des Prés.
La Pyramide humaine est un film français réalisé en 1959 par Jean Rouch, sorti en 1961
L’arrivée d’une nouvelle élève dans une classe du lycée d’Abidjan est l’occasion de mettre en relief les difficultés des relations interraciales.
Genèse d’un repas est un film documentaire français réalisé par Luc Moullet, sorti en 1978.
Partant d’un repas composé d’œufs, de thon en boîte, et de bananes, Luc Moullet remonte la chaîne qui a mené ces aliments à son assiette : responsables de supermarché, grossistes, importateurs, fabricants, ouvriers, etc. sont interviewés pour nous amener à comprendre comment tout cela fonctionne.
L’Île aux fleurs (Ilha das Flores) est un court métrage documentaire brésilien réalisé par Jorge Furtado en 1989.
Douze minutes ; c’est le temps durant lequel nous suivons le parcours d’une tomate, depuis sa production dans la plantation de M. Suzuki, jusqu’à son point d’arrivée à la décharge publique de l’île aux Fleurs.
Partie II :
Rencontre avec Malek Bensmail
Malek Bensmaïl est né à Constantine (Algérie) en 1966. Depuis ses études en cinéma à Paris, il s’est consacré à la réalisation de documentaires. Tous ses films sont liés à l’histoire de son pays. Il a notamment réalisé : La chine est encore loin en 2013, Le grand jeu 2005 (censuré en France et en Algérie) , Des vacances malgré tout en 2001.
Dans contre-pouvoirs, le réalisateur suit la campagne électorale algérienne du printemps 2014 qui verra le fantomatique président Bouteflika obtenir un improbable quatrième mandat. Pour cela il s’immerge au sein de la rédaction d’El Watan, le journal francophone d’opposition au pouvoir. A travers leurs paroles, il capte les interrogations, les réflexions et parfois aussi l’abattement de journalistes qui tentent de faire leur métier..
Partie III
Rencontre avec Kumar Shahani
Le cinéaste indien termine un film sur la découverte de la féminité en soi au travers du médium de la dance, de la sculpture et du Geetgovinda. Il s’agit d’un suite à ses trois précédents films musicaux, La flute de bambou (2000),Bhavanatarana (1991-1992) et Khayal Gatha (1989). Toute sa carrière cinématographique consiste à explorer la forme épique.
Ses mentors sont Ritwik GHATAK en Inde et Robert BRESSON en France. Ses domaines de recherche sont à l’intersection de différentes disciplines bien que l’accent soit principalement notamment sur les arts, et sont nourris d’échanges informels et continus avec des historiens, des neurologues, des musiciens et des artistes. Il fut le lauréat des deux plus prestigieuses bourses instituées en Inde, à savoir le Jawaharlal NEHRU Fellowship (1993-95) et le Homi BHABHA Fellowship (1976-1978). Il reçut notamment le prix du Prince CLAUSE en 1998, parmi d’autres récompenses internationales.
Kumar SHAHANI a abondamment enseigné, écrit et publié sur le cinéma et les arts à l’invitation d’instituts de cinéma, d’universités et de centres de recherche en Inde, en Europe et aux Etats-Unis. Il est à l’initiative de la création d’un institut d’études avancées dans la ville de Thissur, située dans le Kerala, lequel devrait embrasser de nombreuses disciplines et cultures tout en mettant un accent particulier sur la grande richesse des arts du spectacle au Kerala.
Il sera très prochainement nommé Professeur Emerite à l’Université Shiv Nadar à Delhi en Inde.
Son film Kasba fut programmé au Festival des Trois Continents de Nantes en 2013 dans le cadre du cycle « Le cinéma indien a 100 ans ! ».
Udayan Vajpeyi, médecin, poète, romancier et essayiste de langue hindi et ancien résident de l’IEA de Nantes en 2011, a collaboré à plusieurs films documentaires et écrit les dialogues de Char Adhyaya, un long métrage de Kumar Shahani.
Réalisation technique de l’émission de radio : Yann Le Taeron.
Emission réalisée par Eugénie Barbezat
Samedi, 28 Novembre, 2015
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