— — Le n° 300 de « Révolution Socialiste », journal du G.R.S. —
Nous appuyer sur les leçons du passé est une excellente chose. Penser le futur, en esquisser les variantes possibles, est une nécessité. N’oublions pas cependant que c’est au présent, que l’on doit conjuguer le verbe résister pour qu’il ait tout son sens !
Le chemin parcouru, pour faire sortir de l’oubli « La révolution anti-esclavagiste de mai 1848 à la Martinique » (ainsi nommée par Armand Nicolas, celui qui a le plus fait pour sa divulgation, sans être pour autant son découvreur), est considérable.
Devenu une date incontournable du calendrier martiniquais, cet évènement majeur, son contexte, ses antécédents, ses prolongements, restent des sujets d’étude pratiqués par plusieurs chercheurs et chercheuses. Il reste encore beaucoup à faire. Et, l’on peut en dire autant de l’esclavage pour dépasser les approximations et les schématisations abusives.
Célébrer les pages glorieuses, en étudier tous les aspects et toutes les contradictions, sont des devoirs qui vont ensemble. La vérité seule est révolutionnaire, répétons nous.
C’est le présent qui nous impose d’être révolutionnaires. Ce n’est pas facile dans une situation qui ne l’est pas de façon évidente, en dépit des résistances palpables chez nous et ailleurs. C’est la seule façon d’être dignes d’un héritage de lutte remarquable, dont les aspects éclatants ont rarement été perçus comme tels dans les clairs–obscurs de notre histoire.
L’une des leçons les plus précieuses, et les moins célébrées, léguées par nos ancêtres de 1848, est leur façon de saisir d’instinct les contradictions d’une situation, l’importance du contexte historique, l’intérêt à exploiter les évènements surgis à 7000 kms, scrutés avec attention malgré les difficultés de trouver l’information, l’habileté à se repérer des alliés, quelles que soient les illusions accompagnant l’exercice.
Dans la Martiniqie et le monde d’aujourd’hui, ni les tâches, ni les difficultés, ne sont les mêmes, mais l’extraordinaire mélange de courage, d’héroisme, de patience et de ruse, qui composent la meilleure trame de notre histoire, est un adjuvant remarquable pour la résistance d’aujourd’hui, et pour l’invention des chemins de notre liberté.
Vive le 22 mai !
Dupond-Moretti et le crime chlordécone
A l’issue d’une série de rencontres bilatérales lors de son installation, l’actuel ministre des colonies avait déclaré, goguenard, à la délégation de la CDMT, « Vous êtes les seuls à m’avoir parlé de chlordécone ». Vraie ou fausse, cette affirmation signifiait qu’il fallait fermer le ban.
La visite de Dupont-Moretti vient de prouver le contraire. Il était venu pour récolter les lauriers tout à la fois, de la création d’une Structure d’assistance à la sortie (SAS) pour les détenu·e·s, puis de l’installation d’un magistrat francais à Sainte-Lucie, et aussi des nominations d’un greffier et de trois magistrat à Fort-de-France. Toutefois, il n’a pu échapper aux questions des médias sur le chlordécone, aux interpellations d’avocats et d’élus sur le même sujet, et bien entendu à deux manifestations bien sonores en dépit des interdictions provocatrices du gouverneur !
Il a été forcé de reconnaître la puissance têtue de « l’émotion » (sic !) chlordécone, de rappeler que son Président avait reconnu les responsabilités de l’État dans l’affaire. Il s’était pourtant bien gardé, en parlant de « responsabilité collective », de désigner les principaux co-responsables! Pas question de nommer les milieux dominants békés ! Le précédent Préfet, interpellé par Lyannaj pou dépolyé Matinik (LPDM) sur le sujet, avait concédé la « responsabilité morale (sic) des milieux économiques ». Cette façon édulcorée de désigner des auteurs d’un crime patenté sans précédent, d’une telle ampleur sur les humains et la nature, est une insulte supplémentaire à ne pas oublier.
Le Dupond-Moretti pour sa part se défile en parlant de son impossibilité « constitutionnelle » de « commenter une décision de justice » ! Dérobade commode, pour ne pas parler du rôle criminel de l’État, de procureurs et responsables administratifs divers pour empêcher, par actions et par omissions, que le crime ne soit jugé !
Le mouvement pour « JUSTICE ET RÉPARATIONS » du crime chlordécone a remporté une victoire : le sujet est incontournable.
L’oublioir ne fonctionne pas. La disparition d’archives est vaine. Le peuple sait. Le « A quoi bon ? » est mort. Nou pa ké moli. Les ministres de la « justice », les préfets et autres passeront. Notre cri demeure : JUSTICE ! RÉPARATIONS !
3 juin au matin : réservez cette date !
Élu·e·s et mouvement social sont invité·e·s à se rencontrer pour un échange public sur les revendications constitutives de la réparation du crime chlordécone.
Précisions au prochain numéro.