— Par Guy Lordinot —
Grâce aux esclaves révoltés à Saint Pierre en mai 1948, nous sommes nés « peuple martiniquais ».
Si la colonisation a renforcé ce sentiment d’être peuple, la départementalisation a peu à peu, au fil des années, dilué ce sentiment et déculturé les martiniquais.
Nous devons renverser cette tendance à l’anéantissement et retrouver la solidarité qui fondait notre véritable nature. Pour cela, il nous appartient de faire du 22 mai de cette année 2022, le jour de notre résurrection.
Ces dernières années, plusieurs statues ont été déboulonnées, voire détruites. Elles nous imposaient d’honorer la mémoire de quelques européens pour leur action dans notre pays. Il s’agissait pour l’essentiel, d’esclavagistes. Une exception : Victor Schoelcher. En étudiant sa vie, nos historiens lui reconnaissent une attitude positive à propos de l’esclavage et de notre situation dans la Caraïbe.
Il est grand temps de rendre justice et hommage à ces martiniquais qui ont aussi œuvré pour la libération des esclaves et pour l’épanouissement des martiniquais.
Il me paraît opportun de marquer le 22 mai 2022, date anniversaire de notre naissance par la mise à l’honneur d’un certain nombre de nos héros.
Cyrille BISSETTE, et Pierre-Marie PORY-PAPY se sont distingués dans la lutte pour l’abolition de l’esclavage.
Marius HURARD a instauré l’école laïque chez nous en 1871, dix ans avant les lois de Jules FERRY qui datent de 1881.
Aimé CESAIRE a porté haut l’étendard de notre dignité en 1946
Armand NICOLAS nous a révélé les combats héroïques remportés par les esclaves le 22 mai 1848 et qui ont marqué la naissance d’une Martinique libre.
Jocelyne BEROARD, martiniquaise viscéralement imprégnée de notre culture, a fait avec le groupe musical KASSAV, connaître et aimer notre pays, en langue créole, sur les 5 continents.
Nos 34 maires devraient donner à une avenue, un boulevard, une rue, une place, un monument, le nom de ces personnages emblématiques afin que chaque martiniquais l’honore. Bien d’autres dans nos communes méritent notre déférente considération. Il revient au maire de chaque commune de recenser avec l’aide de nos aînés et de nos historiens les personnalités éminentes qui méritent la reconnaissance des habitants.
Cette action, relayée dans nos écoles, en s’imprimant dans le cœur et la mémoire des martiniquais, est susceptible de redonner à chacun la dignité et la fierté d’être martiniquais, ces deux vertus dont Aimé CESAIRE a été l’intransigeant porte – drapeau.
Cette action est susceptible de provoquer un sursaut dans le cœur et l’esprit de chaque martiniquais qui pourrait ainsi repartir à la conquête de sa culture : cette culture qui fait de lui un martiniquais véritable, ni assisté, ni colonisé, mais acteur de son devenir.
Ainsi pourrait renaître en lui cette solidarité qui naguère nous unissait et nous rendait si forts.
Retrouver notre fierté, notre dignité, notre solidarité allumerait sans doute chez la plupart d’entre nous une étincelle d’espoir :
Espoir de nous réinsérer dans la voie de progrès pour laquelle tant de nos parents et ancêtres ont lutté au péril de leur vie,
Espoir de préparer un avenir meilleur pour nos enfants,
Espoir d’une Martinique apaisée car réconciliée avec elle-même,
Espoir de voir notre jeunesse s’enraciner dans notre terreau culturel, par une meilleure connaissance de notre histoire dont elle croisera les héros dans nos lieux publics.
4 mai 2022
Guy LORDINOT
Ancien député
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