Negropolitan traffic (ou les soutes de la modernité)
— Dossier de presse —
En marge d’une esthétique académique et d’effets picturaux décoratifs qui rassurent, la peinture de Jean-Marc Hunt nous oblige à regarder le monde qu’il interroge, les sociétés dont nous sommes tous, à la fois, spectateurs et acteurs, sans fard ni artifices. Pour le meilleur ou pour le pire, nos sociétés ont engendré/vu d’énormes progrès au niveau de la connectivité sociale, mais aussi plus de guerres, plus d’austérité corporatiste, de pauvreté, de destruction de la nature, de désensibilisation de la vie, un système éducatif défaillant, des maladies, l’abus de substances et de nourriture, l’exploitation/expropriation de nations indigènes, la corruption des systèmes bancaires, la dés-harmonisation de la politique et l’impudence des religions… Jean-Marc Hunt engage certainement une vive critique à cet égard dans sa recherche et pratique artistique, mais aussi une critique urbaine et sociale lié à son environnement – la société guadeloupéenne. Il le fait dans un contexte plus large que ses contemporains, tout en confrontant les questions métaphysiques de ses peintures.
Ces œuvres sont une célébration de la grande tradition de la peinture, articulées dans un style pictural souvent décrit comme Néo-expressionniste ou encore de Figuration libre. Tels les pères de l’Expressionnisme Max Beckmann, Otto Dix, Emil Nolde en leur temps, ou les chahuteurs plus contemporain du Néo-expressionnisme et de la Nouvelle Figuration libre, Jean-Michel Basquiat, Philip Guston ou Francois Boisrond, les peintures de Jean-Marc Hunt – mosaiques de critiques sociales et de figures allégoriques -traitent entre autre des thèmes urbains décrivant la vie comme un cirque dans des compositions comprimées, distordues, questionnent les représentations du corps dans l’inconscient collectif, etc.
En comparaison au terme “Metropolitan”, définit notamment comme ce qui constitue le territoire d’un état impérial ou colonial, le néologisme “Negropolitan” figure dans le travail de Jean-Marc Hunt, une forme de société extra-continentale, héritière de la colonisation, confrontée aux problématiques du centre et des périphéries. Dans une première série intitulée “Negropolitan Museum”, exposée au Musée L’Herminier de Pointe-à-Pitre en Guadeloupe (2009), les peintures grand format traitaient d’une remise en question des critères occidentaux dans l’industrie de la beauté et de l’art. Le critique d’art Christian Bracy en faisait cette analyse: “ Comment réaliser avec peu de moyens et provoquer une approche désacralisante des rapports ambigus entre les grandes instances de la reconnaissance culturelle des pays occidentaux et les artistes créateurs issus d’aires culturelles dites périphériques. Jean-Marc Hunt pose ainsi les termes d’une difficulté de reconnaissance dans les métropoles de l’art”.
Cette nouvelle série Negropolitan traffic, présentée à l’espace d’art contemporain 14°N 61°W, en Martinique, est une narration de notre époque qui traite de l’être et du corps ankylosés dans ses rapports aux espaces et aux frontières, hérités des pères fondateurs. Ici l’ironie et la raillerie entretiennent une relation grotesque et obscène dans le mode de fabrication, bousculant l’ordre et l’obéissance. Les mécaniques de passage des pratiques circulatoires révèlent une certaine mutation du monde et de l’humanité, où il serait question de civilisation de l’universel.