— Par Céline Rouden —
Ce road-movie poétique au « pays des hommes intègres », le Burkina Faso, nous entraîne dans un voyage hypnotique sur les traces de l’utopie révolutionnaire incarnée par Thomas Sankara
Sankara n’est pas mort
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Sankara n’est pas mort. Au Burkina Faso, il est encore bien présent : en ombre chinoise sur les tee-shirts des jeunes burkinabés à la manière de Che Guevara, dans les slogans des manifestants de Ouagadougou réclamant justice contre ses assassins, et dans le souvenir de ses habitants comme un âge d’or lointain et révolu. Jeune réalisatrice formée à la Femis, Lucie Viver a été frappée par l’immense espoir né en 2014 de la chute de Blaise Compaoré, après 27 ans de pouvoir et la survivance, dans l’imaginaire collectif de ce pays, de l’utopie révolutionnaire et anti-impérialiste incarnée par Thomas Sankara.
De sa rencontre avec le jeune poète Bikontine est né ce fascinant road-movie. Au rythme de ses textes, elle nous entraîne avec lui dans un voyage hypnotique le long des 600 kilomètres de l’unique voie ferrée qui traverse le pays d’ouest en est, de Bérégadougou à Kaya où la voie s’arrête subitement, symbole de l’impasse dans laquelle se trouve aujourd’hui le Burkina Faso.
Hésitant à tenter le grand voyage vers l’étranger, le jeune homme cherche des réponses auprès d’hommes et de femmes, rencontrés au gré de ses étapes, de villes en villages. Doit-il partir ou rester ? s’interroge-t-il. « Depuis la mort de Sankara, le pays est dans un faux départ. Or un homme désespéré perd toute sa valeur », philosophe l’un de ses interlocuteurs.
Un effacement progressif des espérances
Le récit est entrecoupé d’images de discours de Thomas Sankara promettant l’autosuffisance du pays, la libération des femmes ou encore « d’entretenir la joie de (ses) compatriotes chaque jour ». Dans un centre de planning familial, dans un dispensaire de village, auprès de mineurs ou de cultivateurs de coton, Bikontine cherche les traces de ce qui survit encore de cette brève expérience (1983-1987). Mais celles-ci sont ténues, illustrant par l’effacement les espoirs brisés de toute une nation, et au-delà d’un continent.
Mi-documentaire, mi-fiction, le film de Lucie Viver n’est ni une biographie de Thomas Sankara, encore moins l’autopsie d’un Burkina Faso tombé depuis dans le chaos djihadiste. Plutôt une rêverie poétique et politique portée par une belle réalisation et la musique envoûtante de Rodolphe Burger. Il est d’autant plus dommage que la réalisatrice, dont c’est le premier long-métrage, se perde parfois dans des ellipses un peu précieuses, nous empêchant d’appréhender complètement toute la portée de son sujet.
Source : LaCroix.com