— Par Yves-Léopold Monthieux —
Ressurgit l’idée d’un drapeau martiniquais. Encore un sujet de préoccupation majeur comme la Martinique les aime. Mais ceux qui s’y adonnent ne sont pas si chimériques que cela. Une conception généralement admise milite pour la création d’un drapeau-emblème qui permette de distinguer la Martinique dans les cérémonies régionales. Lorsque les sportifs participent à des rencontres de la Caraïbe, il peut paraître curieux, aux yeux des Etats, que ce soit le drapeau français qui représente la Martinique. Surtout si la Guadeloupe et la Guyane sont présentes à ces évènements.
Il n’est pas difficile de convaincre les Martiniquais du rejet de l’emblème martiniquais aux 4 serpents. Ces animaux étant loin de bénéficier de la côte d’amour des Antillais, les détracteurs de cet insigne marchent sur du velours. Il est vrai que ces reptiles n’ont pas bonne presse dans l’animalerie martiniquaise, même si l’image de ces reptiles n’a pas toujours véhiculé que des références négatives. En renvoyant cet emblème à son origine coloniale, ces contre valeurs prennent une signification politique. Et pour ceux qui veulent sa suppression, l’objectif n’est pas de substituer un emblème à un autre, mais de remplacer un drapeau national par un autre drapeau national. Ne cherchons pas midi à 14 heures, c’est le drapeau tricolore français qui est visé, en fin de compte.
Manifestement, ce vendredi 29 juin 201 sur une télévision libre, venu présenter un projet d’emblème pour la Martinique, le maire du Vauclin Raymond Occolier cachait mal ses réticences à utiliser le mot « drapeau » pour désigner son projet. Ses hésitations tiennent sans doute au fait qu’il avait été un militant indépendantiste, rappelle-t-il, et un partisan actif du remplacement du drapeau français par celui d’une Martinique indépendante, poursuit-il. Il a donc une parfaite connaissance de la signification du drapeau vert-rouge-noir auquel il était acquis. Ce drapeau a une histoire sur laquelle on ne reviendra pas ici, mais qu’il n’est pas possible d’effacer, le temps et les gestes étant les meilleurs ouvriers en la matière. Il n’a pas de concurrent et il ne semble pas qu’une cocarde à venir, dépourvue de charge et de patine politiques puisse un jour lui faire concurrence.
En effet, il est permis de penser que si la Martinique devient un jour indépendante, ce drapeau s’imposera naturellement. Mieux, si la Martinique s’inscrit dans une perspective ou un processus d’indépendantiste rampant, son intrusion subtile ou forcée se comprend également. Il peut être l’expression d’un aboutissement ou un élément de prospérité de l’idée d’indépendance. Dans tous les cas il s’agit de symbole ou d’ambition de rupture. C’est dans cet esprit qu’il convient de considérer le geste du maire du Prêcheur, après celui de son ancien collègue de Ste Anne, de pavoiser leurs mairies de ces couleurs. Celles-ci n’ont pas vocation à distinguer une région ou une province française lors d’une compétition caraïbe de tir aux pigeons. Le drapeau rouge-vert-rouge sera un drapeau porteur de signification politique ou ne sera pas. C’est ce que semble voir compris le maire du Vauclin qui refuse de s’inscrire dans cette perspective en proposant son projet d’emblème.
Reste qu’il y a peu de chances que les adeptes du « Rouge vert noir », qui fêteront bientôt ces couleurs au Domaine de Tivoli, laissent prospérer cet emblème, ou un autre, dont le choix pourrait renvoyer aux calendes grecques l’adoption de leur drapeau national.
Fort-de-France, le 30 juin 2018
Yves-Léopold Monthieux