— Par Max Bellozip —
Fin 2013, des étudiants alliés à des personnels du pôle Martinique de l’UAG ont manifesté contre la scission de l’université sous le slogan « 3 pays, une seule jeunesse » faisant accroire que la jeunesse est une et indivisible.
La jeunesse ne constitue nullement un groupe homogène et uniforme d’individus, loin s’en faut et notre jeunesse estudiantine de l’UAG est à l’image de nos sociétés : en son sein existe des jeunes appartenant à différents groupes sociaux et de diverses origines, en particulier des Guadeloupéens, des Guyanais, des Martiniquais. Les aspirations de ces jeunes correspondent, pour beaucoup, aux aspirations, aux revendications des différents groupes constituant leurs peuples respectifs. Un jeune est d’un peuple et la jeunesse une et indivisible n’est qu’une revue de l’esprit, inventée pour les besoins d’un combat d’arrière-garde. Preuve en est, les jeunesses de Guadeloupe et encore moins de Guyane ne se sont retrouvées dans ce mouvement initié et limité à la Martinique. Les jeunes, comme leurs ainés, n’ont pas tous la même vision de l’avenir de leur pays et donc les mêmes aspirations pour leur université.
Dans ce combat on a pu entendre des arguments spécieux, tant d’étudiants martiniquais que d’enseignants, contre la création éventuelle d’une Université de Martinique : micro-université, trop petite pour se développer certains parlant même de « zizinizasion » (an ti zizin linivésité), nombre d’étudiants insuffisants (« masse critique » ) pour avoir une université rayonnante et attractive pour les originaires (les départs s’amplifieront ) et les étrangers, non attractive pour les bons professeurs et chercheurs internationaux, diplômes au rabais, division alors qu’ailleurs les universités se rassemblent, exemple de l’Université des West-Indies, etc, etc.
Faisons tout d’abord un sort à cette histoire de diplômes au rabais : une Université de Martinique avec, très certainement, les mêmes enseignants qu’actuellement ne délivrerait pas de diplômes dévalués sinon c’est remettre en cause les diplômes que délivre l’UAG depuis années. La compétence, l’implication des enseignants diminueraient-elles du fait d’une scission ?
Remarquons aussi que l’attractivité de notre UAG n’est déjà pas très grande auprès de nos lycéens puisqu’à peine 25% d’entre eux y font leurs études aujourd’hui, que les grands professeurs et chercheurs internationaux n’y foisonnent guère et que notre place dans le classement international de Shanghai est inexistant, comme c’est d’ailleurs aussi le cas pour beaucoup de grandes universités françaises. Au fait, dans les classements internationaux, de Shangaï ou du Time Higher Education, les premières places sont pour beaucoup occupées par des universités plutôt de taille moyenne et même petite telles Harvard (Université privée, USA, de 20 000 étudiants), Massachusetts Institute of Technology – MIT (USA, 10 000 étudiants environs), Cambridge (Grande Bretagne, 17 000 étudiants), Princeton University (USA, 8 000 étudiants).
Un mépris profond pour les petites universités
L’autonomisation et les regroupements d’universités, sous les prétexte de compétitivité internationale, impulsés sous Sarkozy (loi LRU) et confirmés sous Hollande (loi ESR) n’ont en réalité qu’un but : la réduction des coût pour l’Etat. Plusieurs universités en paient déjà le prix. Les petites qu’un but : la réduction des coûts pour l’Etat. Plusieurs universités en paie déjà le prix. Les petites universités ou universités de proximité qui jouent un rôle important dans le dynamisme économique, social, culturel de leur territoire grâce au développement d’une recherche et de formations liées, au moins en partie, à leurs besoins, se battent avec l’appui de leurs collectivités pour continuer à exister. Elles ne sont pas classées dans le palmarès internationaux mais leur rayonnement local national et même internationaux est indéniable.
Absent des classements internationaux, l’UAG est par contre le palmarès établi à partir des chiffres de réussite en licence des universités françaises, publiés par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Elle y est classée 72ème sur 76 avec un taux de réussite en 3 ans de 24,2% pour 1509 étudiants inscrits en licence et une valeur ajouté de -9,8 points (elle y précède cependant les grosses universités Paris 6 et Bordeaux 1).
Tous les arguments avancés lors de ce mouvement de 2013 et jusqu’à ce jour expriment finalement et objectivement un mépris profond pour les petites universités, universités à taille humaine et de proximité, qui pourtant existent dans le paysage universitaire français et ne sont pas toutes aussi mal classées que notre UAG dans ce palmarès français. Ainsi, par exemple, l’Universités de la Rochelle (7 604 étudiants en 2012, fondée en 1993) est 6ème, l’Université de Mulhouse Colmar Alsace (7 754) étudiants, autonome depuis le 1/10/2009) est 18ème , l’Université de Nîme (3 318 étudiants en 2010, créée en 2007) est 28ème , l’Université de Corse (4 300 étudiants, fondée en 1981) est 47ème, l’Université du Havre (7 050 étudiants en 2012, inaugurée en 1984) est le 48ème, pour ne citer que celles-la.
Insistons sur le cas de l’Université de Corse Pascal Paoli, université insulaire de 4300 étudiants dont 11% de nationalité étrangère originaire de 60 pays différents, pour une population corse de 316 000 habitants environ. Créée en 1981, c’est une université pluridisciplinaire proposant un éventail de plus de 100 diplômes délivrés par ses 8 composantes :
– L’UFR droit, sciences sociales, économiques et de gestion,
– l’UFR lettres, langues, art, sciences humaines et sociales
– l’Institut Universitaire de Technologie (IUT)
– L’Institut d’Administration des Entreprises (IAE)
– l’Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education (ESPE), -L’Ecole d’Ingénieurs pluridisciplinaires Paolitech, depuis 2011.
Elle possède de plus, une école doctorale de 170 doctorants par an et 6 unités de recherche. Enfin, son siège est à Corte mais elle est établie sur 4 sites : Corte, Ajaccio, Bastia et Cargèse.
Cet exemple corse montre, à lui seul, toute l’inanité des arguments développés contre la création d’une université de plein exercice en Martinique.
L’université de Martinique est une nécessité fondamentale pour le développement et le dynamisme de notre territoire grâce à une recherche forte et une expertise reconnue dans un maximum de domaines répondant aux besoins actuels et futurs du pays, pour contribuer à la lutte contre le vieillissement accéléré de notre population en donnant une formation de haut niveau sur place à un maximum de nos jeunes afin qu’ils intègrent pleinement toutes nos structures économiques sociales, sportives et culturelles. Les nouvelles lois sur l’enseignement supérieure, permettant un plus grand partenariat de l’université avec les collectivités, être beaucoup plus attractive pour notre jeunesse et rayonner au niveau internationale, si elle se donne les moyens d’augmenter ses taux se réussite dès la 1ère année de licence par une organisation appropriée, si l’ensemble de son personnel, en particulier ses enseignants et chercheurs, s’implique avec détermination et dynamisme dans l’enseignement et la recherche. Elle pourra alors pleinement jouer son rôle dans le développement et le rayonnement de notre Martinique et dans l’épanouissement de notre jeunesse.
L’existence d’une Université de Martinique, d’une Université Guadeloupe et de l’Université de Guyane ne s’oppose pas à la présence de Guadeloupéens, de Guyanais et de Martiniquais, se côtoyant sur chacun de ces campus, ni d’ailleurs d’étudiants d’autres régions comme s’est le cas dans toutes des universités françaises. Elle n’est pas non plus antinomique de coopération et même d’unité entre elles. Simplement, ce ne devra plus être une union fantasmée mais une coopération, une unité basée sur des rapports d’égalité, de respect mutuel et d’intérêts bien définis et compris. La meilleure forme de regroupement sera celle qui respecte l’identité de chacune de ces entités, telle la confédération.
D’aucuns citent l’université des West Indies (UWI) comme un modèle d’unité qu’il faudrait reproduire, toujours dans cette vision fantasmée de l’unité Martinique – Guadeloupe. L’UWI est certes un exemple d’union universitaire mais surtout pas un modèle, car l’histoire de notre pays, de nos peuples ne sont pas identifiques, loin s’en faut. De plus, les choses ont beaucoup évoluées, depuis la création de l’UWI avec 3 campus spécialisés dans 3 territoires (Jamaïque, Trinidad et Tobago, Barbade), pour mieux coller aux réalités des différentes nations la constituant. Ainsi, par exemple, Trinidad et Tob ago a créé depuis 200 4, à côté de l’UWI, sa propre université (UIT – Université de Trinidad et Tobago) pour mieux assurer son développement et répondre à ses ambitions.
L’avenir de la Martinique seul juge
Qu’on le veuille ou non, la Guadeloupe et la Martinique sont des pays différents, même si les aléas de l’histoire en ont fait des départements, avec des peuples à identité forte et différente, même si nos histoires et cultures respectives sont proches. Au delà des différends et préférends et préjugés qui peuvent nous opposer, ce sont surtout les contradiction dans nos stratégies de développement, nos aspirations et ambitions qui posent problèmes depuis toujours dans cette structure UAG.
L’Université des Antilles et de la Guyane (UAG) a vécu, elle a été utile et a joué, et bien joué, son rôle. Aujourd’hui, il ne faudrait surtout pas la remplacer par un ersatz qui ne répond plus à aucunes réalités. La création d’une Université des Antilles, regroupement des pôles fortement autonomes en Martinique et Guadeloupe, ne fera pas disparaître, comme par enchantement, ces contradictions qui risquent même exacerbées dans ce face à face. Elle est vouée à terme, les mêmes causes (mêmes améliorées) créant les mêmes effets, à l’échec. C’est une erreur, et même une autre politique des présidents de Région de Guadeloupe et de Martinique, et des sénateurs qui ont rédigé un rapport à ce sujet, de prôner cette solution. S’il faut sans faillir soutenir la présidente de l’UAG face à ses détracteurs et dans sa volonté, absolument nécessaire, d’assainir l’université, il ne faut cependant pas l’accompagner dans cette voie erronée d’une Université des Antilles.
La jeunesse martiniquaise et en particulier la jeunesse estudiantine a à sa disposition, avec les moyens modernes de communication (internet) toutes les possibilités pour s’informer, débattre et se forger par elle même son opinion avec la plus grande objectivité possible et choisir ses options de lutte. Elle doit cesser d’être « le jouet sombre au carnaval des autres » , même martiniquais. Son avenir, l’avenir des générations suivantes et l’avenir de la Martinique doivent être ses seuls juges.
Et à mon avis, l’avenir n’est pas la recréation d’un « machin » ingérable, même amélioré par l’octroi d’une grande autonomie aux deux pôles de Guadeloupe et de Martinique. Notre combat à tous, Martiniquais, devrait être aujourd’hui celui de la création d’une Université de Martinique fortement attractive, coopérant avec celles de Guadeloupe et de Guyane (confédération) si elles le veulent, et les universités du monde, dont celles de notre région géographique.
Max Bellozip
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