— Par Michèle Bigot —
De Rémi De Vos,
Mise en scène Christophe Rauck
Avec Juliette Plumecocq-Mech
Festival d’Avignon, La Manufacture 6-24/ O7/2016
A la demande de Christophe Rauck, Rémi De Vos a écrit un monologue pour la comédienne Juliette Plumecocq-Mech. Ce trio n’en n’est pas à son coup d’essai. Pur produit du Théâtre du nord, qui n’en finit pas de nous conter les affres du pays noir, sans jamais donner dans la couleur locale. Les personnages de Rémi De Vos (on se souvient de Occident) sont souvent de simples quidam attablés dans un pauvre rade, à noyer leur mal-être dans une chope de bière. C’est le monde qui vient à eux, le plus souvent sous des formes violentes. Cette fois-ci, un client boit sa bière tranquillement dans son coin dans un bar plutôt désert ; le patron est parti faire un peu de rangement dans l’arrière-boutique, quand entre un malabar, qui vient agresser directement notre homme sans autre forme de procès. Juste parce qu’il lui trouve une gueule qui ne lui revient pas. Il bloque l’entrée en encadrant la porte et se livre à un déluge d’injures en bonne et due forme. Agression homophobe typique ! Un exemple du genre ! Le ton monte régulièrement, l’homme peine à contenir la violence qui l’habite et menace de se répandre en coups. La tension se lit dans son geste.
Comment raconter ça ? Il s’agit d’un monologue narratif. Pas simple !
« Un homme parle. Il parle pour se sauver. Très concrètement, la parole, ici, le tient en vie. Il parle à d’autres hommes, qui l’écoutent ; C’est une parole qui se cherche et l’écoute est fragile. Cela peut s’arrêter à chaque instant et alors quoi ? La violence, qui n’est tenue à distance que par les mots. »
C’est là où auteur, metteur en scène et actrice conjuguent leur effort pour porter cette tension à son comble, la faire vivre au spectateur dans toute son intensité physique, instiller la terreur au compte-gouttes. L’auteur par la construction dramatique, qui rend compte de la montée du péril, tout en multipliant les trouvailles de langage, les variations de rythmes et de ton : une écriture saisissante de justesse, de sobriété, parfois drôle et somme toute parfaitement réjouissante en dépit de la gravité du sujet. Le metteur en scène, en collaboration chorégraphique avec Claire Richard, pour trouver la structure dramatique (commencer par la fin, notamment), trouver la lumière, l’accompagnement musical, régler le geste, soutenir le rythme, penser l’occupation de l’espace, imaginer le décor (on ne peut guère plus dépouillé) ; enfin, last but not least, la comédienne, stupéfiante de maîtrise, de la voix, du geste, des intonations. Physique androgyne, regard de feu, force et fragilité d’un corps, émotion à fleur de peau : elle communique au public la stupeur, la peur. La stupéfaction face à la brutalité, face à la haine, la montée d’une terreur blanche, l’approche inéluctable de la mort, tout est incarné avec une sobriété qui le dispute à la justesse.
On reste soi-même interdit face à un spectacle d’une telle intensité, qui laisse derrière lui bien des propositions théâtrales du IN.
Il y a urgence pour ne pas rater la tournée 2016-2017 :
17/09/2016 : Nest Théâtre, CDN Thionville-Lorraine
8/10/2016 : Le Manège, SN de Maubeuge
28_29/ 04/2017 : Festival coup de théâtre, Mirecourt
20/05/2017 : Théâtre Ducourneau, Agen
7-24/06/2017 : Théâtre du Nord, petite salle
Michèle Bigot