Carnets de route. Jours 7,8,9
Le lac est un des hauts lieux du christianisme. Pensez ! Le Jésus en question ne s’est pas contenté seulement de tourner autour du lac de son enfance jusqu’à ses trente-trois ans mais il est allé jusqu’à marcher sur les eaux dudit lac un jour où ses disciples, des pécheurs, s’évertuaient à ramer contre le vent. Nazareth, la ville où il a été élevé, est à une trentaine de kilomètres de Tibériade.
Il y a deux Nazareth, l’ancienne et la nouvelle qui rêve d’annexer la vieille ville qu’elle regarde en surplomb avec ses immeubles sans âme surgis du milieu des années cinquante. L’ancienne est peuplée d’Arabes dont un tiers sont chrétiens. La nouvelle est juive en majorité avec une forte proportion d’Arabes plutôt aisés. C’est la seule ville de mon périple qu’il m’a été difficile d’atteindre. Les indications sont mal formulées. J’ai du demander plusieurs fois mon chemin tant il m’a semblé que tout convergeait à me conduire à Nazareth Illit, la ville neuve sans jamais me mener vers les souks. La circulation ressemble à un doux bordel, trouver un place de stationnement relève du miracle, de l’exploit. Il suffit parfois de persévérer. Ce fut fait.
Je me dirige vers la basilique de l’annonciation, l’endroit où un ange, Gabriel est venu annoncer à une pauvrette nommée Marie qu’elle allait se trouver enceinte d’un garçon et qu’elle devrait l’appeler Jésus. On ne lui a pas laisser le choix. Le gardien devant la grille d’entrée a estimé que mon pantalon qui laissait voir mes mollets, un bermuda en sorte, n’était pas adapté pour la visite. J’ai du rebrousser chemin, me diriger vers une annexe de la basilique où une dame, très belle par ailleurs m’a remis, en échange d’une pièce d’identité un drap que j’ai enroulé autour de ma taille. Cachez ce mollet que je ne saurai voir ! La basilique est parait-il la plus grande de la région, mais certainement pas la plus belle. Architecture du vingtième siècle, monumentale, la nef est une sorte de hall de gare. Elle est flanquée d’un mur d’enceinte où sont accrochées des interprétations de la Nativité selon les différents pays du monde. Pas moins de cinq églises ont été construites sur l’emplacement supposé de l’annonciation qui se trouve donc en contrebas de la porte d’entrée.
Je rebrousse chemin, passe devant le Centre international Marie de Nasareth et je finis par me perdre dans les ruelles étroites du souk. Je retourne à ma voiture avec l’envie de me rendre au « Nazareth village » une reconstitution d’un village galiléen du temps de Jésus. Je jette un œil sur un guide touristique. Je regarde ma montre. Trop tard. La dernière visite est déjà partie. Retour vers le lac en passant par Kafr Kanna que les chrétiens connaissent bien puisque Jésus y allait faire la noce. Et il était suffisamment accro à la chose pour qu’un jour il y transforme de l’eau en vin pour que la fête continue. C’est de Cana dont je parle ! Aujourd’hui il n’y a rien à voir Kafr Kanna, petit village arabe sans beaucoup d’intérêt.
Quiconque à voyagé sait bien qu’il y a des jours comme ça, où le voyageur a le sentiment d’être refait. Les lieux ne tiennent pas la promesses des guides. J’ai fait un mauvais choix. Il y a à 21 km au sud de Nazareth une ville cananéenne habitée depuis 5000 ans : Megiddo. C’est là que j’aurais du aller. Une autre fois ?
Avant de rentre à Ein Guev, je passe par Tibériade, la ville touristique où j’ai du plaisir à être, à dîner, à me balader sur la promenade qui longe le lac. La ville est sous-estimée si ce n’est méprisée, et ce, depuis toujours. Déjà Jésus, la délaissait, la trouvait trop hellénisée, pas assez juive. Il lui préférait les petits villages des alentours. Notamment Capharnaüm, où il habitait chez son ami Pierre, après avoir été chassé de Nazareth. C’est à partir de Capharnaüm qu’il rayonnait ( sans jeu de mot) sur la région. En venant de Tibériade peu avant la ville de Pierre on trouve le Mont des Béatitudes, une colline au sommet de laquelle il aurait prononcé son « Sermon sur la montagne » : « Heureux les affamés et les assoiffés de justice, etc. »
Encore avant le Mont des Béatitudes à deux pas presque, se trouve Tabgha avec son église incendiée en juin 2015 sans doute par des fanatiques juifs qui contestent le fait que Jésus ait pu en cet endroit multiplier les pains et le poissons ( Mathieu XIV, 14-21). Ils avaient déjà attaqué l’édifice un an auparavant. Intégristes de tous pays, foutez-nous la paix ! Tabgha est aussi connu pour être l’emplacement où le Christ « ressuscité » aurait pris un dernier repas avec ses apôtres.
Ce qui m’étonne toujours chez les chrétiens de mes amis c’est très souvent leur ignorance des lieux d’exercice de Jésus. Demandez autour de vous si on connaît, juste au nord de Capharnaüm, Khorazine, le lieu où Jésus pique une colère du diable, et prononce une malédiction « Malheur à toi Khorazine » ! Demandez si l’on connaît Kursi, là où Jésus jouait les exorcistes en faisant sortir les démons du corps d’un homme , les faisait entrer dans le corps, pas kascher pour un rond, de pourceaux qu’il faisant se jeter du haut d’une falaise ! Ce Jésus là n’était pas qu’amour. Il flirtait avec la violence. Les marchands du Temple s’en souviennent, ce qui ne les empêchera pas de faire retour. (Cf Carnets de route 1 & 2).
A visiter les lieux supposés de ses miracles, je trouve le Jésus en question petit joueur. C’est seulement sur quelques kilomètres carrés qu’il a exercé ses talents de rabbin. Fils de D… il pouvait faire mieux quand même ! Mais bon heureux les « élus » qui croient !
Le lendemain je me rends à Beit She’An un site archéologique dont l’histoire remonte à 5000-6000 ans et qui fut détruite par un tremblement de terre en 749 de notre ère. L’endroit est superbe, imposant. L’arrivée sur le site se fait par un café, le Cardo. Sur la droite un théâtre qui pouvait recevoir 8000 spectateurs et qui si j’en juge la plateau rénové doit aujourd’hui encore accueillir des spectacles. Retour d’un désir refoulé de monter sur scène, je m’aventure sur le plateau, me place en son centre, déclame quelques vers de La Mémoire et la mer pour m’assurer que les visiteurs sur les pourtours du dernier gradin de pierre m’entendent sans forcer la voix. C’est le cas. Un petit groupe s’arrête dans sa découverte du théâtre et me fait signe. L’acoustique est excellente. Le site est connu pour abriter les plus vaste thermes du pays. Je découvre un système ingénieux de circulation de l’air pour chauffer l’air, l’eau, les murs.
A l’opposé de l’entrée sur une colline totalement nue se dresse les vestiges d’un arbre nu en forme de croix que j’ai l’impression d’avoir déjà vu dans quelques péplum de mon enfance. La montée vers ce faux « Golgotha » est rude. Le soleil est au mitan du jour. L’effort est récompensé par une vue magnifique à 360° sur la région.
Ensuite direction Safed, une des quatre villes saintes juives avec Tibériade, Hébron et Jérusalem.
Israël-Palestine, juin 2016
R.S.
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