« Samo, a Tribute to Basquiat », cérémonie funèbre

— Par Selim Lander —

Jean-Michel Basquiat (1960-1988), né d’un père haïtien (d’où son prénom français) et d’une mère américaine, fut un mauvais garçon, un beau gosse aux mœurs « spéciales » (comme on disait naguère), avec au cœur la hargne, l’ambition, et surtout l’envie d’une existence sans frein. Promu par la grâce de la critique et des médias figure de proue du néo-expressionnisme new-yorkais, il devint un familier de la Factory d’Andy Warhol où se côtoyaient toutes sortes de gens, des célébrités et des voyous. Incapable de se détacher des drogues, il mourut à vingt-sept ans de l’overdose d’un mélange d’héroïne et de cocaïne. Les visiteurs présents à l’été 2015 à la rétrospective du Guggenheim-Bilbao ont pu apprécier ou en tout cas découvrir une peinture « sauvage », au sens où elle est à l’évidence guidée davantage par la rage de s’exprimer que par le souci de plaire.

Koffi Kwahulé est pour sa part l’un des dramaturges francophones contemporains parmi les plus doués. Le public martiniquais a pu voir très récemment sur scène son monologue Jaz et, en 2013, P’tite Souillure, une pièce qui fait intervenir un personnage maléfique, Ikédia, alors interprété par Nelson Rafaell Madel. On peut se demander quelles furent les motivations de K. Kwahulé quand il résolut de rendre un hommage (tribute) à Basquiat. A-t-il voulu se saisir d’une figure que l’excès rapproche de celui de nombre de ses personnages (à commencer par celui d’Ikédia) ?  Si tel est le cas, sa pièce paraît étonnamment sage. On est plutôt confronté à une sorte de cérémonie sacrée où – c’est clairement le cas dans la mise en scène de Laëtita Guédon – la gestuelle et la musique importent davantage que les mots. Le texte, en effet, est très répétitif et l’on se prend plutôt à regarder le jeu des comédiens qu’à entendre leurs discours. Ils sont quatre sur scène, deux comédiens, un danseur et un musicien, trois noirs et un blanc.

Autoportrait

Les comédiens interprètent respectivement avec détermination les Basquiat père et fils, en particulier celui qui joue Jean-Michel. Le danseur produit une danse très moderne, fascinante. Le musicien, doté d’un appareillage complexe, se révèle lui aussi très doué, y compris sur les instruments traditionnels, à commencer par le saxophone.

Kwahulé n’a jamais fait mystère de son amour pour le jazz et que celui-ci inspire son écriture marquée par le retour des mêmes thèmes. Cependant ses pièces ne négligent pas, à l’ordinaire, les effets dramatiques, ce qui n’est pas pour rien dans leur succès. Tel n’est pas le cas dans cet hommage funèbre dont la réussite tient principalement à la manière dont il est mis en scène et à la maîtrise des interprètes.

Le texte fait appel à certains éléments de la biographie de Basquiat. Par exemple l’accident de voiture qui l’a cloué, enfant, pendant plusieurs mois sur un lit d’hôpital, là où il apprit à dessiner, rapporte-t-on. Quant à « Samo », c’était sa signature lorsqu’il dessinait des graffitis dans les rues de New-York (voir la première image), avant de devenir célèbre.

En tournée à Tropiques Atrium le 10 mars 2017.