Avignon 2018 : « Gibraltar », texte et m.e.s. de Guy Giroud

Chorégraphie Bachir Tassembedo, avec Jules Soguira Gouba et Bachir Tassembedo

La compagnie Marbassaya qui fit l’ouverture de la saison 2016-1017 à Tropiques-Atrium avec Baâda le malade imaginaire et « Candide l’Africain » propose cette année, « Gibraltar », une création, fruit d’une résidence à Ouagadougou. Adieu Molière, adieu Voltaire, il y a urgence, notre monde va mal. Il semble submergé par ce qu’une certaine mauvaise foi persiste à nommer «  crise migratoire », «  crise des réfugiés » alors qu’il ne s’agit d’une crise de l’accueil de ceux-ci. Pudibonderie, hypocrisie qui consiste à reporter sur les victimes l’origine du malheur qui leur ait fait. Salif, troisième fils de Sokina, rève d’Europe, de hip-hop, de fic facile, de belle bagnole, casquette vissée sur la tête façon visière arrière. Il veut «  d’la marque, frère ». Insolent, peu respectueux des coutumes locales, il est en conflit avec la figure du pater familias, méprise le boutiquier du quartier qui après avoir réussi, au terme d’une longue et éprouvante épopée à poser un pied sur le sol du rêve européen a fait retour au pays des siens ne supportant plus l’exil. Salif ne comprend pas. Il méprise le boutiquier, qui lassé d’être agressé entreprend de raconter par le menu les souffrances d’une errance sur les chemins de l’exil. Un des deux comédiens, Bachir Tassembédo, déclare : «  Nous les jeunes de Ouaga, quand on cause, il y a beaucoup d’entre nous disent qu’ils ont une envie de partir. Même s’ils ont du boulot, ils rêvent de partir. J’en connais plein qui avaient un boulot., un salaire qui parlaient de partir et qui sont effectivement partis. »».

Le travail présenté s’organise donc autour de récits, de musiques de blues en adéquation avec le sujet, de chorégraphies au cours desquelles revient comme le ressac de la mer le choc contre la frontière.

Il s’agit encore une fois, d’un théâtre inspirée d’une réalité qu’il prétend restituer en sa tragédie mais qui peine à construire la dramaturgie dont il se réclame. Au réel travail du plateau qui a présidé à la construction du projet manque un travail d’écriture, de mise en perspective…La compagnie Marbassaya présente avec Gibraltar la base d’un travail intéressant qui mériterait d’être un peu plus réfléchi. Un «  work in progress » en quelque sorte.

R.S.