Mémorial Acte – Guadeloupe le 26 avril 2017 à 19h 30
— Par Roland Sabra —
Des profondeurs, je crie vers toi…! L’adresse peut être une prière, une chanson paillarde, une œuvre musicale, un chant d’amour (Oscar Wilde). Elle peut être celle d’un dieu quelconque, d’un amant du fond de sa prison mais c’est toujours un cri et Depwonfondis du chorégraphe guadeloupéen Max Diatok est un cri dansé. Un cri contre la dérive du monde vers les récifs naufrageurs du « Meilleur des monde » et de « 1984 ».
Noir sur le plateau. On les entend marcher avant même de les voir. A l’aveugle. Pas saccadés sur une bande son qui accompagne. Peu importe la destination. L’important est qu’ils marchent. Lumières. Ils sont trois. L’un en costume de ville, un autre en jogging coloré, baskets et veste à capuche, et le dernier en jean et tee-shirt marron col rond et manches courtes. Ils marchent donc, se croisent sans se voir, enfermés en eux-mêmes, dans l’ignorance du monde qui les entoure. Ensemble séparément, vraiment séparément. Atomisation du lien social. A la croisée des solitudes, ils se touchent par hasard et c’est la découverte d’une communauté de destin. Dialectique du même et de l’autre. Un autre monde est donc possible. Ils enlèvent leurs chaussures et les portent comme des gants. Détournement d’objets. Le pied reprend contact avec la terre-mère et survient le silence. Ils marchent encore mais vont à la rencontre de l’autre. Et bientôt s’entendent les balbutiements d’une langue commune en gestation sous forme d’onomatopées. Puis la bande musicale revient mais la voix est la musique première. Les lumières se font plus chaudes loin des froideurs vertes et bleues des débuts. Ils peuvent donc désormais quitter les défroques d’un monde qui les corsetaient, revêtir des pantalons confortables et s’engager sur le chemin d’une conquête individuelle, d’eux-mêmes tout en affirmant la nécessité d’un vouloir-vivre ensemble. Horizontalité et verticalité d’une même démarche comme l’illustre l’univers gestuel de Max Diatok. fait d’un jeu entre équilibre et déséquilibre, ralenti et accélération, travail au sol et envolées dansées, entouré, soutenu par deux danseurs à la fois proches et différents venant du hip-hop et des arts martiaux. Ces trois là dégagent sur le plateau une belle énergie toute en élégance qui invite à la réflexion et très certainement à l’insoumission.
On retrouve dans la chorégraphie une lecture de La conférence ( ou cantique) des oiseaux du poète persan soufi Farid Al-Din Attar. Lecture spinoziste avant l’heure (!) ou plus exactement moniste en ce sens qu’elle laisse entendre qu’il n’est d’autre monde que celui-ci et que si Dieu était, il ne pourrait être extérieur à l’homme, en dehors de l’univers. Il y a chez Max Diakok et dans le travail qu’il propose une quête de spiritualité sur un chemin intérieur à l’écart de la religiosité.
.Au delà du visuel, l’univers musical de Rico Toto participe grandement au plaisir du spectacle. Il se compose d’un patchwork et reste néanmoins harmonieux, d’une grande fluidité, fait de gwoka, de jazz et de matières sonores diverses, d’instruments tels que le piano d’Alain Jean-Marie, le tambour-ka de Marc Pandolf, les coquillages et trompettes de Franck-Nicolas.
La Guadeloupe aura la chance de les recevoir le 26 avril 2017 au Mémorial Acte- Pointe-à-Pitre. Et la Martinique… ?
Paris, le 25/03/2017
R.S.
Vu à Paris auThéâtre de Ménilmontant le 24/03/2017
Depwofondis de Max Diakok
à la Crypte de Lagorce en Ardèche -Festival Fil d’avril- le 1er avril-20h30
au Mémorial Acte – Guadeloupe le 26 avril 201
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DEPWOFONDIS (Teaser) Chorégraphe : Max DiakokMax Diakok