— Par Selim Lander —
Si le IN d’Avignon est avant tout la vitrine du théâtre « contemporain », au sens formel du terme, comme on parle d’« art contemporain » en matière d’arts plastiques, il peut faire preuve également d’ouverture vers des productions de pays sans grande tradition théâtrale. Alors que j’attendais porte justement témoignage sur les drames vécus quotidiennement par les Syriens depuis cinq ans. L’auteur, Mohammad Al Attar, a construit autour du cas d’un jeune homme, Taim, plongé dans le coma à la suite d’un accident, une histoire qui fait intervenir la mère, la sœur, la petite amie, un ami. Parallèlement, un autre jeune homme, rescapé des prisons du régime raconte les sévices et autres atrocités qui y sont commises.
La pièce se déroule sur deux niveaux. En bas la chambre d’hôpital, puis l’appartement du couple formé par Taim et sa compagne, enfin l’appartement de la sœur revenue de Beyrouth. On y parle à voix nue. Le niveau supérieur est lui-même divisé en deux, d’un côté la tribune d’où s’exprime l’ex-prisonnier, de l’autre le coin de bureau où Taim concoctait avant son accident un film sur les événements intervenus en Syrie, plus précisément à Damas, depuis 2011. On s’y exprime à travers un micro.
La mise en scène d’Omar Abusaada est sobre et sans bavure. L’existence d’un film en préparation permet de montrer des images tournées pendant les manifestations, les enterrements, etc. Le garçon dans le coma n’est installé sur un lit d’hôpital qu’au début de la pièce. Il s’en affranchit rapidement pour s’approcher des personnes présentes autour de lui, lesquelles, bien sûr, n’ont pas conscience de sa présence. Il monte également dans son bureau où il parle de son film. Tout ce qui se déroule au niveau inférieur tourne autour de lui et de sa famille. Lui-même traversait une sorte de crise, son film n’avançait pas ; le père, décédé, s’était enrichi dans de manière douteuse, il avait pris une deuxième épouse…
On peut broder sur le titre. Alors que j’attendais, c’est d’abord le cas de Taim qui attend de sortir de son coma, c’est encore celui de ceux qui autour de lui attendent qu’il se réveille, mais c’est plus généralement celui de tous les Syriens non belligérants dans l’attente de ce que deviendra leur pays. La pièce a fait l’objet d’une coproduction européenne ; elle est sur-titrée en français et en anglais. Au-delà de l’intrigue, assez schématique, elle présente pour nous un intérêt documentaire évident. On n’imagine pas facilement comment il est possible de vivre à Damas aujourd’hui. À travers le cas de Taim et de ses proches, nous pouvons nous faire une idée un peu plus précise des conditions de leur survie, les allers-retours avec Beyrouth, les trafics, et surtout l’angoisse du lendemain, la crainte permanente des exactions de la police du régime ou d’une quelconque milice. S’ajoutent quelques notations liées à la société musulmane en général, le choix de porter ou non le voile, les difficiles relations entre les hommes et les femmes, les frustrations qu’elles engendrent.