Anthropologie de l’anthropophagie

Du Goût de l’autre
Fragments d’un discours cannibale
Mondher Kilani

Depuis les premiers « témoignages » sur le cannibalisme au lendemain des Grandes Découvertes, l’idée qu’il existe quelque part des humains prêts à en manger d’autres fascine l’Occident. Confondant passé et présent et bousculant contextes culturels et rituels, les représentations de cette pratique juxtaposent les actes anthropophages qui font suite aux naufrages ou aux famines, les « festins cannibales » des « féroces sauvages » des mers du Sud, les cérémonies mortuaires où le meilleur tombeau pour le disparu est le ventre de ses descendants ou la délectation des serial killers pour le corps de leurs victimes…

Voir aussi : Eucharistie et cannibalisme

Cette approche indifférenciée alimente une longue tradition mythique comme l’incessant malentendu culturel qui a caractérisé la rencontre des Occidentaux avec les peuples exotiques. Elle manque surtout la dimension symbolique et métaphorique d’un phénomène évanescent, dont la réalité ne peut être appréhendée qu’imaginairement.

À la réflexion méthodique de l’anthropologie, cet ouvrage associe les productions littéraires, savantes et artistiques que la hantise d’être soi-même dévoré ou le fantasme d’assimiler l’autre ont inspirées. Ces fragments de discours cannibale dessinent l’étendue des champs de signification du cannibalisme : ceux de l’amour et de la haine, du désir et du rejet, de l’identité et de l’altérité, de l’ordre et du désordre, des relations d’alliance et de pouvoir, de l’autonomie et de la servitude.

Mondher Kilani est anthropologue, professeur à l’université de Lausanne. Il est notamment l’auteur de Guerre et sacrifice (PUF, 2006), Anthropologie. Du local au global (Armand Colin, 2012) et Pour un universalisme critique (La Découverte, 2014).

Anthropologie de l’anthropophagie

Les humains, enfin certains, sont-ils réellement capables d’ingurgiter sans scrupule et sans dégoût leurs congénères ? Du goût de l’autre, le nouvel essai de -Mondher Kilani, consacré à l’anthropophagie, dissipe quelques doutes à son sujet. Le cannibalisme est-il une réalité ? Qui dévore les premiers chapitres ne peut échapper à la question, bien que la complexité du sujet et la pluralité des cas de figure ne permettent pas à l’anthropologue de la formuler en ces termes.

En revanche, il insiste sur le fait que le mot  » cannibalisme  » (altération de caraïb attribuée à -Christophe Colomb) a été inventé pendant la colonisation, quand il était fort utile de rendre sauvages les Indiens, quitte à transformer les rumeurs en certitudes et à -produire un faux témoignage, comme le fit le médecin Diego -Alvarez Chanca en 1493. Le même phénomène de  » déformation, exagération et fabrication de preuves sur le cannibalisme local  » a pu s’observer en Australie ou en Afrique australe. L’auteur rappelle que  » la littérature est remplie de peuples victimes de ce type de dénonciation : Carthage par Rome, les chrétiens par les païens (…), les Irlandais par les Anglais, les Chinois par les Coréens « . Le fantasme de la dévoration par les ennemis serait donc universel – les expressions  » étranger  » et  » cannibale  » ne sont-elles pas synonymes chez les Ku-Waru de Nouvelle-Guinée ?

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Du Goût de l’autre
Fragments d’un discours cannibale
Mondher Kilani

Date de parution 15/03/2018
25.00 € TTC
384 pages
EAN 9782021340020

Disponible en version numérique

E-Pub
17.99 € TTC
EAN 9782021340037