7… Lost in la mancha
De et par Pepito Mateo
Festival d’Avignon, off 2014
La Manufacture
Le spectacle de Pepito Mateo, créé en 2013 sous le titre de Monologues revient aujourd’hui en version épurée sous le titre de 7… Lost in la mancha, clin d’œil à Cervantès. Il appartient au genre du one man show I : il en partage les attendus, sobriété de la scénographie, du décor et de l’éclairage, appropriation de l’espace, besoin de variété, prépondérance du jeu de l’acteur, importance de la gestuelle, voire des mimiques⋅Toutefois, il n’en a pas les défauts qu’on trouve volontiers associés aux spectacles d’humoristes, tels que pitreries gratuites, humour lourd voire complaisance. Au contraire, il est le lieu d’un jeu verbal inédit et d’une rare subtilité. Le principe est le suivant : 7 monologues interprétés par le même et unique comédien, passant insensiblement de l’un à l’autre par le jeu d’une construction habile à coups de glissements, fusion partielle, système d’échos et de reprises. Chacun des textes n’en garde pas moins sa singularité. Tous se signalent par une fantaisie verbale, une truculence, mêlant la grâce poétique à l’âpreté de la réalité. Pepito écoute ceux que personne n’écoute ; il fait entendre la parole des fous, des marginaux, des détraqués de la vie, leur rêveries, leurs fantasmes, leur douleur, et le langage s’en trouve renouvelé en profondeur. Chacun exprime brutalement son vécu, parle une langue bien à soi, souvent colorée et inventive. Lui-même, témoin et auditeur bienveillant se trouve pris dans des situations absurde, et écoute fasciné des parlers loufoques, dont la force expressive le subjugue. Pepito Mateo avoue d’emblée qu’il a été subjugué par les fous littéraires, ces écrivains qui se situent délibérément hors du jeu littéraires. C’est chez eux qu’il a trouvé le goût de travailler sur les « désordres de la parole » (je le cite), l’extravagance et l’inventivité de ces parlers hors norme alimentant d’un sang nouveau les problématiques du langage. Ce matériau brut, dans toute sa richesse est assimilé par lui et retravaillé pour aboutir à un texte où la drôlerie et la poésie le disputent au pur pathétique. La langue des allumés, de tous les timbrés, les dérangés de la vie et du langage, sublimée par une plume de poète nous donne une belle leçon de parole.
Pepito Mateo est un fidèle du festival ; arrivé en 2012(Sans les mains et en danseuse), il est en tournée avec des spectacles variés, notamment Le carnaval des animaux . Habitué aux thématiques réputées difficiles ( le chômage, la vieillesse, la mort, les désastres de la guerre)Pepito Mateo est de ceux qui renouvelle nos modes de pensée et d’appréhension du monde.
Michèle Bigot